En application de l'article 57 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, Arnaud Bazin et Éric Bocquet, rapporteurs spéciaux de la commission des finances pour la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », ont mené un contrôle budgétaire sur la recentralisation expérimentale du revenu de solidarité active (RSA).
Ce rapport rappelle le contexte la recentralisation, marqué par les difficultés financières de certains départements face à l'augmentation des dépenses de RSA sur fond de crises sanitaire et inflationniste. Il expose également comment les conditions dans lesquelles cette « renationalisation » a eu lieu expliquent le faible engouement des départements pour le dispositif. Seuls trois candidatures ont en effet été retenues : la Seine-Saint-Denis et les Pyrénées-Orientales en 2022, puis l'Ariège en 2023.
À mi-parcours, les départements expérimentateurs retrouvent quelques marges de manoeuvre, les recettes reprises par l'État étant inférieures à la dépense de RSA recentralisée. La recentralisation atténue en outre l'« effet de ciseau » tant dénoncé par les départements. Surtout, ces marges de manoeuvre financières retrouvées permettent aux départements expérimentateurs de mettre en oeuvre les mesures pour satisfaire leur engagement à renforcer et réformer leurs politiques d'insertion des bénéficiaires du RSA. S'il est encore trop tôt pour en évaluer les effets, ces efforts ont d'ores et déjà créé des dynamiques encourageantes.
Les rapporteurs spéciaux tournent enfin leur réflexion vers la suite et la fin de l'expérimentation. La réforme de France Travail et la suppression - annoncée mais non encore échue - de l'allocation de solidarité spécifique - font peser des incertitudes sur les départements. Le manque de méthode pour l'évaluation de l'expérimentation ne laisse pas d'inquiéter. Enfin, alors que la pérennisation d'une recentralisation « à la carte » semble difficilement praticable, ils étudient les différents scénarios de sortie d'une expérimentation qui apparaît, à mi-2024, au milieu du gué.
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LES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1 : Poursuivre les discussions avec le département de la Guadeloupe afin de trouver une solution technique et juridique lui permettant, s'il le souhaite toujours, de bénéficier de la recentralisation du RSA sur le fondement de l'article 73 de la Constitution.
Recommandation n° 2 : Surseoir à la suppression de l'ASS jusqu'au terme de l'expérimentation ou, à défaut, compenser aux départements l'accroissement de charges induit par le report des bénéficiaires de l'ASS vers le RSA.
Recommandation n° 3 : Mener une évaluation rigoureuse de l'expérimentation, en conjuguant notamment deux approches :
- une première approche au niveau « micro », menée en continu par les administrations compétentes de l'État et des départements et fondée sur les données relatives aux « sorties positives » des dispositifs d'insertion départementaux ;
- une seconde approche au niveau « macro », menée au terme de l'expérimentation par un évaluateur indépendant et fondée sur la comparaison de données départementales avec des données nationales sur le retour à l'emploi des bénéficiaires du RSA.
Recommandation n° 4 : Quelle que soit l'issue de l'expérimentation, respecter quelques principes cardinaux :
- ne prolonger l'expérimentation que si cette prolongation est justifiée du point de vue de la démarche expérimentale, en permettant le cas échéant la participation de nouveaux départements selon les critères d'éligibilités actuels ;
- obtenir l'accord de l'assemblée générale des départements de France préalablement à tout projet de recentralisation du RSA sur tout le territoire ;
- en cas de « re-décentralisation », assurer aux départements expérimentateurs un niveau de ressources compensatrice au moins égal au niveau des ressources reprises par l'État au début de l'expérimentation.
Recommandation n° 5 : Pour prévenir les effets d'une « re-décentralisation » inédite, engager dès à présent une réflexion sur les moyens d'atténuer au mieux les difficultés des départements les plus fragiles, par exemple en réformant des dispositifs de péréquation tels que le FMDI.
Sénat - Le rapport n° 771 du 24 septembre 2024
La synthèse
NDLR / Article déjà paru dans ID.CiTé du 30/09/2024 mais sous une autre rubrique
Ce rapport rappelle le contexte la recentralisation, marqué par les difficultés financières de certains départements face à l'augmentation des dépenses de RSA sur fond de crises sanitaire et inflationniste. Il expose également comment les conditions dans lesquelles cette « renationalisation » a eu lieu expliquent le faible engouement des départements pour le dispositif. Seuls trois candidatures ont en effet été retenues : la Seine-Saint-Denis et les Pyrénées-Orientales en 2022, puis l'Ariège en 2023.
À mi-parcours, les départements expérimentateurs retrouvent quelques marges de manoeuvre, les recettes reprises par l'État étant inférieures à la dépense de RSA recentralisée. La recentralisation atténue en outre l'« effet de ciseau » tant dénoncé par les départements. Surtout, ces marges de manoeuvre financières retrouvées permettent aux départements expérimentateurs de mettre en oeuvre les mesures pour satisfaire leur engagement à renforcer et réformer leurs politiques d'insertion des bénéficiaires du RSA. S'il est encore trop tôt pour en évaluer les effets, ces efforts ont d'ores et déjà créé des dynamiques encourageantes.
Les rapporteurs spéciaux tournent enfin leur réflexion vers la suite et la fin de l'expérimentation. La réforme de France Travail et la suppression - annoncée mais non encore échue - de l'allocation de solidarité spécifique - font peser des incertitudes sur les départements. Le manque de méthode pour l'évaluation de l'expérimentation ne laisse pas d'inquiéter. Enfin, alors que la pérennisation d'une recentralisation « à la carte » semble difficilement praticable, ils étudient les différents scénarios de sortie d'une expérimentation qui apparaît, à mi-2024, au milieu du gué.
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LES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1 : Poursuivre les discussions avec le département de la Guadeloupe afin de trouver une solution technique et juridique lui permettant, s'il le souhaite toujours, de bénéficier de la recentralisation du RSA sur le fondement de l'article 73 de la Constitution.
Recommandation n° 2 : Surseoir à la suppression de l'ASS jusqu'au terme de l'expérimentation ou, à défaut, compenser aux départements l'accroissement de charges induit par le report des bénéficiaires de l'ASS vers le RSA.
Recommandation n° 3 : Mener une évaluation rigoureuse de l'expérimentation, en conjuguant notamment deux approches :
- une première approche au niveau « micro », menée en continu par les administrations compétentes de l'État et des départements et fondée sur les données relatives aux « sorties positives » des dispositifs d'insertion départementaux ;
- une seconde approche au niveau « macro », menée au terme de l'expérimentation par un évaluateur indépendant et fondée sur la comparaison de données départementales avec des données nationales sur le retour à l'emploi des bénéficiaires du RSA.
Recommandation n° 4 : Quelle que soit l'issue de l'expérimentation, respecter quelques principes cardinaux :
- ne prolonger l'expérimentation que si cette prolongation est justifiée du point de vue de la démarche expérimentale, en permettant le cas échéant la participation de nouveaux départements selon les critères d'éligibilités actuels ;
- obtenir l'accord de l'assemblée générale des départements de France préalablement à tout projet de recentralisation du RSA sur tout le territoire ;
- en cas de « re-décentralisation », assurer aux départements expérimentateurs un niveau de ressources compensatrice au moins égal au niveau des ressources reprises par l'État au début de l'expérimentation.
Recommandation n° 5 : Pour prévenir les effets d'une « re-décentralisation » inédite, engager dès à présent une réflexion sur les moyens d'atténuer au mieux les difficultés des départements les plus fragiles, par exemple en réformant des dispositifs de péréquation tels que le FMDI.
Sénat - Le rapport n° 771 du 24 septembre 2024
La synthèse
NDLR / Article déjà paru dans ID.CiTé du 30/09/2024 mais sous une autre rubrique
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