Funéraire - Cimetière et concessions

Juris - Crémation des restes exhumés à la suite de la reprise d’une sépulture en terrain commun - Le maire doit informer par tout moyen utile les tiers susceptibles de faire connaître la volonté du défunt (Conseil constitutionnel)

Article ID.CiTé du 04/11/2024



Le Conseil constitutionnel censure comme contraires au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine des dispositions législatives relatives à la crémation des restes des défunts inhumés en terrain commun en cas de reprise de la sépulture par la commune.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 31 juillet 2024 par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L. 2223-4 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.

L’objet des dispositions contestées
En application des articles L. 2223-1 et L. 2223-3 du code général des collectivités territoriales, chaque commune dispose d’un cimetière comprenant un terrain consacré à l’inhumation des morts auxquels la sépulture est due. Il résulte de l’article L. 2223-4 du même code que, en cas de reprise d’une sépulture par la commune, il est procédé à la réinhumation des restes exhumés dans un ossuaire aménagé ou à leur crémation.
Les dispositions contestées de ce même article prévoient que la crémation peut être décidée par le maire en l’absence d’opposition connue ou attestée du défunt.

Les critiques formulées contre ces dispositions
Il était notamment reproché à ces dispositions par le requérant de ne pas prévoir d’obligation d’informer les proches du défunt inhumé en terrain commun en cas de reprise de la sépulture et dans le cas où le maire entend faire procéder à la crémation des restes exhumés, ce qui était de nature à les empêcher de faire connaître l’opposition du défunt à la crémation. Selon lui, le législateur avait ainsi privé de garanties légales le droit au respect de la vie privée et la liberté de conscience des personnes décédées, ainsi que le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.

Le contrôle de ces dispositions
Par sa décision de ce jour, le Conseil constitutionnel rappelle que le Préambule de la Constitution de 1946 a réaffirmé et proclamé des droits, libertés et principes constitutionnels en soulignant d’emblée que : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ». Il en ressort que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle. Le respect dû à la dignité de la personne humaine ne cesse pas avec la mort.
À cette aune, le Conseil constitutionnel relève que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu, afin d’assurer le respect dû à la dignité de la personne humaine, veiller à ce que soit prise en compte la volonté exprimée de son vivant par le défunt pour régler le mode de sa sépulture.
Toutefois, ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative ne prévoient, dans le cas où le défunt est inhumé en terrain commun, d’obligation pour le maire d’informer les tiers susceptibles de faire connaître son opposition à la crémation.

Le Conseil constitutionnel juge que, en l’absence d’une telle obligation d’information, les dispositions contestées ne permettent pas de garantir que la volonté attestée ou connue du défunt est effectivement prise en compte avant qu’il soit procédé à la crémation de ses restes. Elles méconnaissent ainsi le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.
Déclarant ces dispositions contraires à la Constitution, le Conseil constitutionnel relève que leur abrogation immédiate, qui aurait pour effet de permettre la crémation des restes exhumés lors de la reprise d’une sépulture malgré l’opposition connue ou attestée du défunt, entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives. Il juge, par suite, qu’il y a lieu de reporter au 31 décembre 2025 la date de cette abrogation.
En revanche, afin de faire cesser l’inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, le Conseil constitutionnel juge que, jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou jusqu’à la date de l’abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles, le maire doit informer par tout moyen utile les tiers susceptibles de faire connaître la volonté du défunt du fait qu’il envisage de faire procéder à la crémation des restes exhumés à la suite de la reprise d’une sépulture en terrain commun.
Par ailleurs, les mesures prises avant la publication de la présente décision ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.

Conseil constitutionnel - 
Décision n° 2024-1110 QPC  du 31 octobre 2024