Au nombre de plus de 2,5 millions en 1955, les exploitants agricoles en France sont aujourd’hui 496 000 selon le recensement agricole (RA) de 2020. Corollaire de cette évolution, le nombre d’exploitations diminue, avoisinant 389 000 en 2020 en France métropolitaine, soit près de 800 000 de moins qu’en 1980. Chaque année depuis 2015, en moyenne 20 000 chefs d’exploitation cessent leur activité tandis que 14 000 s’installent. Cette tendance fait l’objet d’une attention croissante alors que 43% des exploitants sont aujourd’hui âgés de plus de 55 ans et sont donc susceptibles de partir en retraite d’ici 10 ans. L’année 2023 marque à cet égard un tournant de la politique d’installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles : le programme 2023-2027 de la politique agricole commune (PAC) délègue aux régions la gestion des aides à l’installation et à l’investissement ; l’élaboration du pacte et de la loi d’orientation et d’avenir agricoles annoncés par le Président de la République en septembre 2022 fait l’objet d’une vaste concertation. À l’échelle de l’Union européenne comme à celle de la France, on partage le constat que le renouvellement des générations en agriculture ne se réduit pas à des considérations démographiques mais engage l’évolution vers des modèles et des pratiques d’agriculture durable et résiliente sur un territoire bien aménagé. Le rapport réalisé à la demande du Sénat et publié ce jour par la Cour des comptes examine donc la politique d’installation et de transmission au regard de ces enjeux.
La stratégie de renouvellement des générations au double défi de la démographie et de l’évolution vers des modèles d’exploitation durables et résilients
Âgés en moyenne de 51,4 ans en 2020, les exploitants agricoles constituent la catégorie socio-professionnelle la plus âgée, l’âge moyen de la population active étant de 40,5 ans. Si l’érosion de la population active agricole ralentit, elle s’accompagne d’une recomposition progressive par un recours plus fréquent au salariat et à l’externalisation sur des exploitations de tailles variables. Des formes nouvelles d’exploitation et d’organisation sociétaire se développent mais le modèle d’exploitation dite « familiale », où coïncident propriété et maîtrise des moyens de production, réalisation du travail et pouvoir de gestion et de décision, reste majoritaire.
L’enjeu démographique et le devenir des exploitations sont toutefois délicats à cerner en raison, d’une part, d’un manque de données et, d’autre part, d’une insuffisante analyse stratégique au sein des instances nationale et régionales chargées de la politique d’installation-transmission. La Cour invite à y remédier.
Des instruments d’aide à l’installation et au démarrage insuffisamment adaptés à la diversité des modèles d’exploitations et des profils
Plusieurs instruments prévus au niveau européen et national sont mis en œuvre par l’État, les régions et leurs partenaires : subventions pour soutenir l’installation et les premières années d’activité, aides fiscales et sociales, actions d’information et d’accompagnement, encadrement du marché foncier, pour un montant annuel moyen de 379 M€ sur 2019-2021, auxquels s’ajoutent 144 M€ d’aides aux investissements. Mais, tandis que se diversifient les pratiques et les candidats à l’installation, ces dispositifs souffrent de plusieurs lacunes : les objectifs de recours à la dotation « jeune agriculteur » ne sont pas atteints ; les structures chargées d’accueillir et de conseiller les candidats sont insuffisamment ouvertes à la diversité des modèles agricoles ; un tiers des installations sont le fait de professionnels de plus de 40 ans auxquels moins de 5% du montant total des aides sont accessibles.
Alors que démarre un nouveau cycle de la PAC et que les régions voient leurs pouvoirs renforcés, un rééquilibrage des dispositifs en faveur des plus de 40 ans de même qu’une approche territoriale et orientée vers la durabilité économique, sociale et environnementale des exploitations sont recommandés.
Une transmission à mieux anticiper et à orienter vers des exploitations durables
Le volet transmission reste peu investi, signe d’une approche plus patrimoniale qu’économique de cette étape de la vie des exploitations. À l’exception des mesures fiscales, les outils proposés par l’État utilisés par peu de cédants, pour environ 1 M€ par an. Par ailleurs, certaines difficultés entravent la transmission et l’installation : prix des exploitations complexes à fixer, marché peu transparent, inadéquation entre exploitations à céder et souhaits des nouveaux agriculteurs, concurrence entre installation et agrandissement, concurrence de générations entre nouveaux agriculteurs et propriétaires recourant au travail délégué. Ces freins structurels devraient être mieux pris en considération par les exploitants afin de garantir à tout moment la meilleure transmissibilité de leur exploitation et par les pouvoirs publics afin de mieux adapter les politiques. En outre, le renouvellement des générations rejoignant celui des pratiques, la préparation de la transmission doit permettre d’accélérer la mutation de l’agriculture française vers un modèle durable. Pour la transmission comme pour l’installation, cela implique d’adapter à cet effet les instruments de politique publique et de tirer le meilleur parti de solutions émergentes concernant l’accès au foncier, la combinaison de ressources agricoles et non agricoles et le financement des exploitations. Ces constats conduisent la Cour à formuler quatre recommandations.
Récapitulatif des recommandations
1. Mettre en place un réseau d’observatoires régionaux alimentant l’observatoire national de l’installation-transmission (ONIT) selon un protocole commun de recueil des données (recommandation complétée) (ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, Chambres d’Agriculture France, 2024).
2. Conditionner la désignation des structures chargées du programme d’accompagnement à l’installation et à la transmission, à l’engagement de nouer des partenariats représentatifs des divers modèles agricoles et en contrôler le respect (ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, 2024).
3. Réaliser un bilan du fonctionnement des répertoires départ-installation, assurer leur mise en réseau et constituer une base nationale permettant des extractions régionales (ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, Chambres d’Agriculture France, 2023).
4. Renforcer l’accompagnement des cédants souhaitant transmettre leur exploitation par un « bouquet transmission » (diagnostic d’exploitation et conseil, inscription au répertoire départ installation, coopération test sur un an, transmission globale du foncier) et prévoir un guichet unique d’instruction (ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, 2023)
COUR DES COMPTES >> Rapport du 12.04.2023
La stratégie de renouvellement des générations au double défi de la démographie et de l’évolution vers des modèles d’exploitation durables et résilients
Âgés en moyenne de 51,4 ans en 2020, les exploitants agricoles constituent la catégorie socio-professionnelle la plus âgée, l’âge moyen de la population active étant de 40,5 ans. Si l’érosion de la population active agricole ralentit, elle s’accompagne d’une recomposition progressive par un recours plus fréquent au salariat et à l’externalisation sur des exploitations de tailles variables. Des formes nouvelles d’exploitation et d’organisation sociétaire se développent mais le modèle d’exploitation dite « familiale », où coïncident propriété et maîtrise des moyens de production, réalisation du travail et pouvoir de gestion et de décision, reste majoritaire.
L’enjeu démographique et le devenir des exploitations sont toutefois délicats à cerner en raison, d’une part, d’un manque de données et, d’autre part, d’une insuffisante analyse stratégique au sein des instances nationale et régionales chargées de la politique d’installation-transmission. La Cour invite à y remédier.
Des instruments d’aide à l’installation et au démarrage insuffisamment adaptés à la diversité des modèles d’exploitations et des profils
Plusieurs instruments prévus au niveau européen et national sont mis en œuvre par l’État, les régions et leurs partenaires : subventions pour soutenir l’installation et les premières années d’activité, aides fiscales et sociales, actions d’information et d’accompagnement, encadrement du marché foncier, pour un montant annuel moyen de 379 M€ sur 2019-2021, auxquels s’ajoutent 144 M€ d’aides aux investissements. Mais, tandis que se diversifient les pratiques et les candidats à l’installation, ces dispositifs souffrent de plusieurs lacunes : les objectifs de recours à la dotation « jeune agriculteur » ne sont pas atteints ; les structures chargées d’accueillir et de conseiller les candidats sont insuffisamment ouvertes à la diversité des modèles agricoles ; un tiers des installations sont le fait de professionnels de plus de 40 ans auxquels moins de 5% du montant total des aides sont accessibles.
Alors que démarre un nouveau cycle de la PAC et que les régions voient leurs pouvoirs renforcés, un rééquilibrage des dispositifs en faveur des plus de 40 ans de même qu’une approche territoriale et orientée vers la durabilité économique, sociale et environnementale des exploitations sont recommandés.
Une transmission à mieux anticiper et à orienter vers des exploitations durables
Le volet transmission reste peu investi, signe d’une approche plus patrimoniale qu’économique de cette étape de la vie des exploitations. À l’exception des mesures fiscales, les outils proposés par l’État utilisés par peu de cédants, pour environ 1 M€ par an. Par ailleurs, certaines difficultés entravent la transmission et l’installation : prix des exploitations complexes à fixer, marché peu transparent, inadéquation entre exploitations à céder et souhaits des nouveaux agriculteurs, concurrence entre installation et agrandissement, concurrence de générations entre nouveaux agriculteurs et propriétaires recourant au travail délégué. Ces freins structurels devraient être mieux pris en considération par les exploitants afin de garantir à tout moment la meilleure transmissibilité de leur exploitation et par les pouvoirs publics afin de mieux adapter les politiques. En outre, le renouvellement des générations rejoignant celui des pratiques, la préparation de la transmission doit permettre d’accélérer la mutation de l’agriculture française vers un modèle durable. Pour la transmission comme pour l’installation, cela implique d’adapter à cet effet les instruments de politique publique et de tirer le meilleur parti de solutions émergentes concernant l’accès au foncier, la combinaison de ressources agricoles et non agricoles et le financement des exploitations. Ces constats conduisent la Cour à formuler quatre recommandations.
Récapitulatif des recommandations
1. Mettre en place un réseau d’observatoires régionaux alimentant l’observatoire national de l’installation-transmission (ONIT) selon un protocole commun de recueil des données (recommandation complétée) (ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, Chambres d’Agriculture France, 2024).
2. Conditionner la désignation des structures chargées du programme d’accompagnement à l’installation et à la transmission, à l’engagement de nouer des partenariats représentatifs des divers modèles agricoles et en contrôler le respect (ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, 2024).
3. Réaliser un bilan du fonctionnement des répertoires départ-installation, assurer leur mise en réseau et constituer une base nationale permettant des extractions régionales (ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, Chambres d’Agriculture France, 2023).
4. Renforcer l’accompagnement des cédants souhaitant transmettre leur exploitation par un « bouquet transmission » (diagnostic d’exploitation et conseil, inscription au répertoire départ installation, coopération test sur un an, transmission globale du foncier) et prévoir un guichet unique d’instruction (ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, 2023)
COUR DES COMPTES >> Rapport du 12.04.2023