Le Conseil d’État, dans une décision du 5 février , rejette le recours porté par nos organisations contre le décret du 30 janvier 2019 sur le fichier d’appui à l’évaluation de la minorité (AEM), refuse de reconnaître les atteintes portées aux droits des mineur·es non accompagné·es et fait ainsi primer la lutte contre l’immigration irrégulière sur les droits de l’enfant.
Un risque accru d’expulsions illégales de mineurs
En ne prenant pas en compte les principes essentiels de présomption de minorité et de droit au recours effectif, le Conseil d’État laisse toute latitude aux préfectures pour expulser des personnes qui devraient être présumées mineures tant que le juge des enfants ne s’est pas prononcé sur leur situation. Il considère que la protection des enfants étrangers contre les mesures d’éloignement prévue par la loi "ne fait pas obstacle à ce qu’une mesure d’éloignement soit prise par l’autorité administrative à l’égard d’une personne dont elle estime, au terme de l’examen de sa situation, qu’elle est majeure, alors même qu’elle alléguerait être mineure".
Il entérine ainsi la possibilité pour l’administration d’expulser un∙e jeune qui demande protection en raison de sa minorité et de son isolement dès lors qu’un département l’a considéré⋅e comme majeur⋅e, le plus souvent à l’issue d’une procédure d’évaluation sommaire fondée sur des critères subjectifs. Et peu importe au Conseil d’État que le ou la jeune n’ait pas pu exercer de recours devant le juge des enfants. On sait pourtant que - dans certains départements - la moitié des mineur∙es qui saisissent ce juge voient finalement leur minorité reconnue.
Tout au plus, le Conseil d’État consent-il à évoquer la possibilité pour le juge administratif saisi d’un recours contre la mesure d’éloignement de surseoir à statuer quand il a connaissance d’une saisine préalable du juge des enfants mais seulement "si une telle mesure est utile à la bonne administration de la justice". De même, il peut aussi décider de poser une question préjudicielle à l’autorité judiciaire mais uniquement "en cas de difficulté sérieuse". Ces précisions ne constituent en rien des garanties contre le risque d’expulsion d’enfants en danger par l’administration.
Contrôler avant de protéger
Nos organisations constatent que - dans de nombreux territoires - l’application du décret a pour effet de laisser à la rue des enfants en demande de protection pendant toute la procédure en préfecture. Le Conseil d’État prend acte de cette réalité et rappelle à juste titre qu’"il incombe aux autorités du département de mettre en place un accueil provisoire d’urgence pour toute personne se déclarant (MNA), sans pouvoir subordonner le bénéfice de cet accueil (à la mise en œuvre de la procédure prévue par le décret)".
Il vide toutefois de tout son sens le principe de l’inconditionnalité de l’accueil provisoire en précisant qu’une telle obligation s’applique "sous réserve des cas où la condition de minorité ne serait à l’évidence pas remplie".
Des pseudo-garanties qui ne suffiront pas
Le Conseil d’État précise que "la majorité de l’intéressé ne saurait être déduite de son seul refus de communiquer les informations" aux agents de la préfecture. Il rappelle également qu’il ne suffit pas qu’un∙e jeune apparaisse comme majeur∙e dans l’une des bases de données consultées en préfecture pour qu’il ou elle soit évalué∙e comme majeur∙e.
Aussi utiles qu’elles soient, ces précisions ne suffiront malheureusement pas à préserver les mineur∙es d’un refus de protection arbitraire de la part de certains départements.
Pour preuve, alors que le Conseil constitutionnel avait déjà pris soin de préciser ce point, nombreux sont les protocoles signés entre les conseils départementaux et les préfectures qui mentionnent "l’impossibilité [pour le jeune] de refuser de communiquer [ses données personnelles] à l’agent de préfecture habilité". La notice d’information actuellement distribuée aux jeunes reprend cet énoncé contraire aux textes. (…)
Communiqué commun complet
Un risque accru d’expulsions illégales de mineurs
En ne prenant pas en compte les principes essentiels de présomption de minorité et de droit au recours effectif, le Conseil d’État laisse toute latitude aux préfectures pour expulser des personnes qui devraient être présumées mineures tant que le juge des enfants ne s’est pas prononcé sur leur situation. Il considère que la protection des enfants étrangers contre les mesures d’éloignement prévue par la loi "ne fait pas obstacle à ce qu’une mesure d’éloignement soit prise par l’autorité administrative à l’égard d’une personne dont elle estime, au terme de l’examen de sa situation, qu’elle est majeure, alors même qu’elle alléguerait être mineure".
Il entérine ainsi la possibilité pour l’administration d’expulser un∙e jeune qui demande protection en raison de sa minorité et de son isolement dès lors qu’un département l’a considéré⋅e comme majeur⋅e, le plus souvent à l’issue d’une procédure d’évaluation sommaire fondée sur des critères subjectifs. Et peu importe au Conseil d’État que le ou la jeune n’ait pas pu exercer de recours devant le juge des enfants. On sait pourtant que - dans certains départements - la moitié des mineur∙es qui saisissent ce juge voient finalement leur minorité reconnue.
Tout au plus, le Conseil d’État consent-il à évoquer la possibilité pour le juge administratif saisi d’un recours contre la mesure d’éloignement de surseoir à statuer quand il a connaissance d’une saisine préalable du juge des enfants mais seulement "si une telle mesure est utile à la bonne administration de la justice". De même, il peut aussi décider de poser une question préjudicielle à l’autorité judiciaire mais uniquement "en cas de difficulté sérieuse". Ces précisions ne constituent en rien des garanties contre le risque d’expulsion d’enfants en danger par l’administration.
Contrôler avant de protéger
Nos organisations constatent que - dans de nombreux territoires - l’application du décret a pour effet de laisser à la rue des enfants en demande de protection pendant toute la procédure en préfecture. Le Conseil d’État prend acte de cette réalité et rappelle à juste titre qu’"il incombe aux autorités du département de mettre en place un accueil provisoire d’urgence pour toute personne se déclarant (MNA), sans pouvoir subordonner le bénéfice de cet accueil (à la mise en œuvre de la procédure prévue par le décret)".
Il vide toutefois de tout son sens le principe de l’inconditionnalité de l’accueil provisoire en précisant qu’une telle obligation s’applique "sous réserve des cas où la condition de minorité ne serait à l’évidence pas remplie".
Des pseudo-garanties qui ne suffiront pas
Le Conseil d’État précise que "la majorité de l’intéressé ne saurait être déduite de son seul refus de communiquer les informations" aux agents de la préfecture. Il rappelle également qu’il ne suffit pas qu’un∙e jeune apparaisse comme majeur∙e dans l’une des bases de données consultées en préfecture pour qu’il ou elle soit évalué∙e comme majeur∙e.
Aussi utiles qu’elles soient, ces précisions ne suffiront malheureusement pas à préserver les mineur∙es d’un refus de protection arbitraire de la part de certains départements.
Pour preuve, alors que le Conseil constitutionnel avait déjà pris soin de préciser ce point, nombreux sont les protocoles signés entre les conseils départementaux et les préfectures qui mentionnent "l’impossibilité [pour le jeune] de refuser de communiquer [ses données personnelles] à l’agent de préfecture habilité". La notice d’information actuellement distribuée aux jeunes reprend cet énoncé contraire aux textes. (…)
Communiqué commun complet