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Départements - Action en récupération des sommes avancées au titre de l'aide sociale - Un contrat d'assurance vie peut être requalifié en donation

(Article ID.CiTé/ID.Veille du 22/09/2020 )



En vertu du 2° de l'article L. 132-8 du code de l'action sociale et des familles, une action en récupération des sommes avancées au titre de l'aide sociale est ouverte au département contre le donataire, lorsque le bénéficiaire de l'aide a fait une donation postérieurement à la demande d'aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande. D'autre part, aux termes de l'article 894 du code civil : " La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte ".

Un contrat d'assurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé qu'un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l'échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n'a pas en lui-même le caractère d'une donation, au sens de l'article 894 du code civil. Toutefois, la qualification donnée par les parties à un contrat ne saurait faire obstacle au droit pour l'administration de l'aide sociale de rétablir, s'il y a lieu, sa nature exacte, sous le contrôle du juge. A ce titre, un contrat d'assurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles il a été souscrit, il révèle, pour l'essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation. L'intention libérale est établie lorsque, eu égard à son espérance de vie et à l'importance des primes versées par rapport à son patrimoine, le souscripteur du contrat doit être regardé, en réalité, comme s'étant dépouillé de manière à la fois actuelle et irrévocable au profit du bénéficiaire en raison du droit de créance détenu sur l'assureur. Dans ce cas, alors même qu'elle n'interviendrait qu'au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, l'acceptation du bénéficiaire a pour effet de permettre à l'administration de l'aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l'application des dispositions relatives à la récupération des créances d'aide sociale. Le montant de la récupération exercée à son encontre ne peut toutefois excéder celui des primes versées par le souscripteur du contrat, bénéficiaire de la prestation d'aide sociale.

En l'espèce, Mme A... a désigné, le 22 juin 2004, alors qu'elle était âgée de 80 ans, son beau-fils, M. D... A..., comme bénéficiaire des deux contrats d'assurance vie qu'elle avait souscrits en avril et octobre 1998 et que les sommes versées sur ces contrats représentaient, lors de son admission à l'aide sociale à l'hébergement en 2006, l'essentiel du patrimoine qu'elle déclarait.
Si M. A... affirme qu'il s'agissait d'une rémunération de l'aide apportée à sa belle-mère de 1988 à 2006, il ne produit aucun élément propre à l'établir. Dans les circonstances de l'espèce, l'intention libérale de Mme A... à l'égard de son beau-fils est établie et celui-ci doit être regardé comme le bénéficiaire d'une donation pouvant donner lieu à la récupération, par le département, des sommes avancées au titre de l'aide sociale à l'hébergement.

En second lieu, le département a pris en charge les frais d'hébergement de Mme A... en maison de retraite du 1er mars 2006 au 25 mai 2012 à hauteur de 66 496,55 euros, dont 2 062,80 euros seulement ont été récupérés sur la succession.
Le solde de cette dépense, exposée au titre non de l'allocation personnalisée d'autonomie comme le soutient M. A... mais au titre de l'aide sociale à l'hébergement, peut faire l'objet d'un recours contre le donataire dans les conditions prévues par l'article L. 132-8 du code de l'action sociale et des familles.

La somme de 23 424,54 euros à laquelle le président du conseil général a limité la récupération de la créance du département par sa décision du 12 février 2015 est inférieure au montant des primes versées par Mme A... sur ses contrats d'assurance vie et correspond à la somme que M. A... reconnaît avoir reçue de la compagnie d'assurance gestionnaire de ces deux contrats, après déduction des droits de mutation.

Enfin, si M. A... fait valoir que ce montant devrait faire l'objet d'un abattement de 90 %, il ne produit aucun élément relatif à sa situation de nature à justifier une réduction du montant ou un aménagement des modalités de la récupération. Par suite, la demande de M. A... doit être rejetée.


Conseil d'État N° 425329 - 2020-07-29